La Suisse s’apprête à voter sur la septième initiative xénophobe de ces 14 dernières années. Derrière une phonétique doucereuse, qui fait plus penser aux limonades fermentées ou au maïs soufflé qu’aux questions migratoires, ECOPOP est avant tout une association (« Ecologie et Population ») à prendre au sérieux. D’abord, parce que ce n’est pas une mince affaire pour une petite association de se lancer dans l’entreprise qui consiste à récolter 100’000 signatures. Ensuite, parce que le contenu de l’initiative est dangereux à plus d’un titre.
Dès 1988, ECOPOP défend la thèse selon laquelle il faut pour garantir la qualité de vie à long terme en Suisse, des mesures dans trois domaines: la protection de l’environnement, les changements des habitudes de consommation et, surtout, une décroissance de la population pour faire diminuer le nombre de personnes contribuant à la détérioration de l’environnement. Sans surprise, l’initiative proposée 25 ans après la publication de ces premières thèses n’a pas changé d’un iota. Le texte vise donc principalement la préservation durable des ressources naturelles par deux moyens : une limitation de l’immigration en Suisse et la planification familiale volontaire dans les pays du Sud pour réduire le nombre de naissances. Cette dernière mesure doit servir par voie de conséquence à atténuer par ricochet la pression migratoire sur la Suisse et stabiliser la population dans le pays.
Toujours plus de chiffres
Sous couvert de scientificité, le texte regorge d’objectifs chiffrés. Ainsi, 0.2% devra être la part admise de l’accroissement de la population résidant de manière permanente en Suisse (attribuable au solde migratoire, c’est-à-dire à l’immigration arrivante de l’étranger). Et 10% des moyens consacrés à la coopération internationale au développement devront être obligatoirement investis dans le financement de mesures d’encouragement au planning familial volontaire.
Toujours plus suicidaire pour nos emplois
Si elle était appliquée, l’impact d’ECOPOP aurait pour effet de réduire l’accroissement possible de l’immigration à 88’000 personnes par an environ (0.2% des 8 millions de résidents permanents en Suisse). C’est une limitation d’un peu près 38% de la croissance actuelle de la population étrangère. Le texte implique l’introduction de contingents pour toutes les catégories d’autorisations de séjour de plus de un an et une dénonciation de l’accord sur la libre circulation ainsi que – très probablement – de ceux de Schengen et de Dublin.
Cette réduction à 38% de l’immigration arrivante aurait des conséquences dévastatrices sur les besoins de l’économie et sur nos emplois puisque les possibilités de recrutement des travailleurs à l’étranger par les entreprises suisses seraient ainsi fortement réduites. Cette décroissance économique induirait des diminutions drastiques des recettes pour les assurances sociales et pour le fisc. Sans compter la mise en place d’une multiplication de démarches administratives et de bureaucratie avec les contingents.
Toujours plus xénophobe
Au plan de l’aide au développement, l’initiative crée un malaise certain et induit une profonde remise en cause de la politique de la DDC qui soutient les pays du Sud et les organisations partenaires en fonction de leurs priorités et de leurs demandes. Il a été démontré que les facteurs susceptibles de stabiliser la croissance démographique au Sud se caractérisent surtout par une lutte efficace d’ensemble contre la pauvreté, par l’égalité entre les sexes, la formation et l’habilitation des filles et des femmes (notamment l’accès aux moyens de production et aux biens). Par ailleurs, ECOPOP ne tient pas compte de la transition démographique. Aujourd’hui, c’est bien la crainte du dépeuplement et du vieillissement de la population qui doit nous inquiéter et non celle de l’explosion démographique.
En définitive, il importe de rappeler que les migrations constituent un facteur clé du développement humain, que nous devons les accompagner non seulement par des instruments de gouvernance qui doivent être développés (mesures d’accompagnement, aménagement du territoire, politique du logement, mesures relatives aux infrastructures, etc.), mais aussi par une défense stricte des droits fondamentaux des migrants. La limitation artificielle, prônée par l’initiative par des contingents archi-rigides, nuit gravement à nos emplois et, de par son inefficacité, va augmenter massivement le nombre de frontaliers. ECOPOP contient aussi une atteinte profondément choquante aux droits fondamentaux en opposant les droits de la nature à ceux de l’être humain (protection de la vie privée et familiale, droit au mariage et liberté de procréer). Après l’échec du 9 février dernier, il est essentiel de ne pas considérer cette votation comme acquise et de nous mobiliser pour la faire échouer.