En juin dernier, le Conseil fédéral a présenté son projet de soutien à la conciliation entre travail et famille. Celui-ci prévoit des incitations financières à hauteur de 100 millions de francs sur 5 ans, avec deux priorités : réduire les coûts à la charge des parents pour l’accueil extra-familial des enfants (82.5 millions) et soutenir des projets innovants permettant une meilleure adéquation entre l’offre et les besoins réels (14.3 millions). Cela correspond à une nécessité.

Même si d’importants progrès ont été faits ces dernières années grâce aux programmes d’impulsion de la Confédération pour créer de nouvelles structures d’accueil extra-familial des enfants, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle reste très compliquée pour de nombreuses familles en Suisse.

 

Réduire les coûts à la charge des parents

Les familles le savent : les coûts de l’accueil extra-familial restent très élevés en Suisse. Sans subventions publiques, une place à temps plein dans une structure  d’accueil  collectif  de  jour ne coûte pas moins de 2’400Frs par mois. Or la participation des pouvoirs publics reste très faible dans notre pays. C’est ce qui explique qu’en comparaison internationale, la  charge  que  supportent  les  parents pour la  garde des enfants est très élevée en Suisse. Dès lors, une double activité professionnelle dans le couple n’est pas forcément avantageuse ! Une fois les frais de garde payés, il ne reste bien souvent rien du revenu supplémentaire. C’est loin d’être encourageant… Et cela revient avant tout à une discrimination envers les femmes !

Comme toujours, la droite avance que la seule solution se trouve dans une augmentation des déductions fiscales. Les partis de droite semblent donc refuser toute discussion et renvoyer à un autre projet du Conseil fédéral, qui prévoit une augmentation de la déduction pour frais de garde des enfants au niveau fédéral (jusqu’à 25’000Frs à déduire sur le revenu imposable) et cantonal (déduction d’au moins 10’000Frs). Cette mesure, si elle n’est pas incompatible avec le projet dont nous parlons, profitera évidemment aux familles les plus fortunées. Or les classes moyenne et populaire sont celles qui ont le plus urgemment besoin de soutien ! De plus, cette augmentation des déductions fiscales coûtera extrêmement cher : on prévoit des pertes annuelles de 10 millions de francs pour la Confédération et de 25 millions pour les cantons et communes. A l’heure des programmes d’austérité… cela n’aidera pas à trouver des moyens pour soutenir la création de nouvelles crèches !

 

Une meilleure adéquation entre l’offre et les besoins des parents

Les places de crèches manquent encore en Suisse et l’attente est bien souvent longue. Mais à cela s’ajoute souvent une inadéquation entre l’offre d’accueil extra-familial et les besoins des parents qui exercent une activité lucrative. Le projet du Conseil fédéral prévoit donc de cofinancer des projets innovants qui permettent une meilleure adaptation aux besoins des parents, afin d’améliorer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle (ou formation). Il s’agirait par exemple de projets offrant une meilleure collaboration entre structures d’accueil et établissements scolaires, ou visant une plus grande flexibilité dans les horaires de prise en charge des enfants. En effet, les offres actuelles ne correspondent pas du tout aux besoins du personnel hospitalier, ou encore des ouvriers d’usine travaillant en rotation d’équipes, pour ne citer que ces professions.

Les programmes actuels d’impulsion à la création de crèches ont montré leur efficacité : depuis 2003, plus de 50’000 places d’accueil ont été créées en Suisse. L’offre a ainsi doublé ! Et ces aides financières – limitées dans le temps – ont un effet à long terme puisque la quasi-totalité des structures créées se maintient ensuite sans cette aide. Malgré ces efforts, les places restent encore insuffisantes et la majorité de droite menace de ne pas reconduire ce programme d’impulsion, qui prend fin en janvier 2019. La situation est donc tendue.

 

Claque pour les femmes en Commission – retour à la raison au plénum

Le 7 novembre dernier, la Commission de la Science, de l’Education et de la Culture (CSEC) du Conseil des Etats a traité ce projet du Conseil fédéral. Par 6 voix contre 6 et avec la voix prépondérante de sa présidente, la CSEC a décidé de ne pas entrer en matière. Concrètement, cela veut dire que la majorité de la Commission considère qu’il n’y a aucunement lieu de légiférer sur le sujet et rejette totalement le projet du Conseil fédéral. Une honte !

Par cette décision, la majorité a claqué la porte au nez des femmes de ce pays et a balayé d’un revers de main les difficultés des familles qui peinent à concilier vie familiale et professionnelle.

Enfin, cette décision supprime la dernière mesure concrète de l’initiative du Conseil fédéral pour lutter contre la pénurie de personnel qualifié. Avec le vote du 9 février 2014 et le frein à l’immigration choisi par la majorité du peuple, nous avons le devoir de prendre des mesures pour valoriser davantage le potentiel de main-d’œuvre indigène. Cela passe notamment par une amélioration de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. En effet, des dizaines de milliers de femmes sont encore – en 2016 ! – contraintes de rester hors du marché du travail !

Heureusement, le plénum du Conseil des Etats a voté, ce lundi 28 novembre, en faveur de l’entrée en matière, renvoyant ainsi le projet en Commission. Espérons que les membres de celle-ci seront dorénavant plus ouverts lors du traitement de cet objet et se montreront à l’écoute des préoccupations de la population !

 

 

Mathias Reynard,

Conseiller national et membre de la CSEC

29. nov 2016