La Turquie de Recep Tayyip Erdogan est en état d’urgence depuis le coup d’état manqué du 15 juillet dernier, coup qualifié de « cadeau de Dieu » par ce dernier. Le nouveau sultan a réussi à concentrer encore un peu plus de pouvoirs entre ses mains : président de la République, chef du Gouvernement, habilité à dissoudre le Parlement et à nommer les juges de la Cour Suprême. Les observateurs de l’OSCE et du Conseil de l’Europe sont critiques et considèrent que le vote ne répondait pas aux normes minimales d’un état de droit démocratique.

J’ai vécu de l’intérieur la votation sur le référendum, en tant qu’observateur du Conseil de l’Europe. Déployé dans la banlieue d’Istanbul, je n’ai, personnellement, observé aucune anomalie notable, mais je n’en reste pas moins très critique quant au résultat de ce scrutin  que M. Erdogan ne pouvait en définitive pas perdre. Tout a été méticuleusement orchestré : un état d’urgence qui a empêché à des centaines de milliers de kurdes de voter dans le sud-est du pays, une propagande unilatérale dans les médias avec plus de 90 % du temps d’antenne sur les télévisions publiques en faveur du oui, une presse muselée avec 128 journalistes emprisonnés (soit le tiers de l’ensemble des journalistes emprisonnés dans le monde),  un engagement total de l’appareil d’état en faveur du oui, un affichage démentiel unilatéral. La cerise sur le gâteau : l’annonce durant la journée de dimanche, par la haute Cour de surveillance des élections, que des bulletins non timbrés pourraient également être validés, ce qui rendait possible le bourrage des urnes.

Je ne sais si cela a été le cas. Tout ce que je sais, c’est que la Turquie s’est encore un peu plus éloignée de l’Europe et de la démocratie. Une prochaine étape semble s’amorcer : un nouveau référendum, cette fois pour la réintroduction de la peine de mort, au risque de franchir définitivement la ligne rouge. Ce qui ne semble pas préoccuper la mouvance conservatrice qui, dans son adoration d’un homme, semble avoir fait le choix d’une dérive autoritaire.

Un bien triste dimanche de votation, qui augure un avenir de plus en plus sombre pour la Turquie. 

02. mai 2017