L'initiative "No Billag" est beaucoup trop radicale. En effet, le texte de l'initiative ne prévoit rien de moins que la suppression pure et simple de tout média de service public dans notre pays, qu'il s'agisse d'un média national, régional ou même local. Le risque est en outre grand que la campagne se focalise sur des aspects périphériques et non centraux, comme l'étendue des prérogatives de la SSR, le salaire de ses dirigeants ou le contenu de leurs programmes. Or, l'initiative n'aborde en rien ces aspects-ci, mais menace la SSR dans son existence même, puisqu'elle interdit purement et simplement à la Confédération tant d'exploiter une chaîne de radio ou de télévision, que de prélever une redevance à cette fin, ou de la faire prélever par un tiers. Qui plus est, même dans le cas où l'initiative serait acceptée, le délai de mise en œuvre prévu par les initiants est beaucoup trop court pour permettre au Parlement de légiférer en toute sérénité. Autant de raisons qui doivent nous convaincre de rejeter cette initiative extrême avec la plus grande fermeté !

1.     Discuter des vrais enjeux, un défi central pour la campagne No Billag

La démocratie directe est un exercice exigeant, qui consiste à prendre souvent des décisions de grande portée. Pour que les citoyens puissent se prononcer en connaissance de cause, il convient que la proposition soumise aux urnes soit aussi claire que possible, dépourvue d’ambiguïté, sans zone d’ombre et sans intention manipulatrice. Deuxièmement, il faut que la campagne de votation porte sur la norme constitutionnelle proposée et ses conséquences réelles, non sur des aspects plus ou moins périphériques.

Approuvée le 9 février 2014, l’initiative « contre l’immigration de masse » a mis en lumière l’importance de ces deux problématiques. D’une part, le texte proposé par l’UDC manquait de clarté, comportant même des exigences contradictoires. D’autre part, durant une campagne longue et intense, les débat s’égarèrent dans un nombre considérable de thèmes annexes, allant de l’aménagement du territoire à la place dans les trains. Peu à peu, l’opinion perdit de vue l’enjeu central de la votation qui touchait les relations de la Suisse avec l’Union européenne, réalité qui revint cruellement sur scène au lendemain du scrutin.

Aujourd’hui, alors que les discussions sur l’initiative No Billag s’intensifient, le risque de voir à nouveau l’opinion se perdre dans des sujets annexes est considérable, même si les mesures soumises au vote sont pour cette fois d’une extrême clarté. En effet, rien ne permet mieux d’ouvrir une vaste discussion sociétale que la mise en cause de la radio et la télévision. Leurs programmes, leurs fonctionnements, leurs vedettes, leurs coûts susciteront toujours des controverses sans fin. Or, l’initiative ne porte pas sur ces questions, aussi distrayantes soient-elles. Pour que la votation du 4 mars 2018 constitue une séquence démocratique de qualité, il est donc fondamental de centrer le débat sur les conséquences effectives qu’aurait l’approbation des dispositions constitutionnelles proposées.

2.     No Billag, une initiative tranchante comme une guillotine

Il existe au moins un reproche qui ne saurait être fait aux auteurs de l’initiative No Billag, c’est celui d’avoir abusé des nuances. Leur texte est tranchant comme une guillotine. En substance, il interdit à la Confédération d’exploiter une chaîne de radio ou de télévision. Il lui interdit également de prélever ou de faire prélever une redevance par un tiers pour les financer. Il lui interdit enfin d’accorder le moindre soutien à une offre de radio et de télévision quelle qu’elle soit. En contrepartie, il exige que la Confédération mette régulièrement aux enchères des concessions de radio et de télévision.

En plus de ces mesures drastiques, le texte contient des dispositions transitoires qui traduisent l’extrême impatience des initiants. Il prévoit en effet que le Conseil fédéral édicte des dispositions d’application directement, sans passer par le Parlement, si ce dernier ne les a pas adoptées au 1er janvier 2018. En réalité, même si les autorités ont respecté tous les délais légaux liés à l’initiative, la votation aura lieu en mars 2018.

L’absurdité de ce délai au 1er janvier 2018 n’a pas complètement échappé aux initiant eux-mêmes, puisqu’ils ont aussi imaginé qu’il pourrait ne pas être tenu. Dans ce cas, leur texte précise que les dispositions d’application doivent entrer en vigueur le premier jour de l’an suivant le scrutin, soit le 1er janvier 2019. A l’évidence, la procédure parlementaire même accélérée ne permettra jamais d’adopter une loi entre le 4 mars 2018 et la fin de l’année. Par conséquent, si l’initiative devait être approuvée, le Conseil fédéral serait contraint de la mettre en œuvre par voie d’ordonnances, le cadre législatif devant être corrigé a posteriori.

29. nov 2017