Commençons par le plus simple : la révision de la loi sur les armes restreint l’accès aux fusils d’assaut semi-automatiques. Ces restrictions ont été adoptées pour rendre plus difficiles les attentats comme ceux de Paris ou de Christchurch. Elles concernent les armes de guerres capables de tirer 20 coups en 30 secondes. Elles ne visent donc ni le tir sportif, ni la chasse, mais renforcent à l’évidence la sécurité publique.

Comme il s’agit d’une règle européenne impérative, la Suisse risque d’être éjectée des accords de Schengen si elle ne s’y conforme pas. Elle perdrait alors l’accès à la coopération en matière de justice et de police (accords de Schengen). Découplée des bases de données européennes, la Suisse deviendrait la plate-forme offshore de la criminalité sur notre continent. Et accessoirement le hub commercial des armes semi-automatiques. La chute de Schengen impliquerait aussi le rétablissement des contrôles aux frontières, aussi fastidieux qu’inefficaces. On rappellera à cet égard que, ces dernières années, la criminalité a baissé et que Schengen n’y est pas pour rien.
En cas de refus, ce serait donc une pièce maitresse des accords bilatéraux existants qui tomberait, et un sérieux problème de sécurité publique qui verrait le jour. Avec le OUI que nous préconisons, c’est au contraire un progrès – modeste – en terme lutte contre la propagation incontrôlée des armes à feu qui sera effectué.

La seconde réforme soumise au vote s’appelle RFFA, pour « réforme fiscale et financement de l’AVS ». Comme son nom l’indique, elle vise deux objectifs : premièrement mettre fin aux rabais fiscaux octroyés aux multinationales et, deuxièmement, financer l’AVS. Depuis des années, la Suisse est priée par l’Europe et l’OCDE de mettre fin à sa politique de dumping fiscal : actuellement, elle taxe les bénéfices gagnés à l’étranger et rapatriés en Suisse à un niveau bien moindre que les bénéfices gagnés en Suisse même. Grâce à ce système discriminatoire, les collectivités publiques suisses ont rempli leurs caisses, mais au détriment des pays voisins. Nous estimons depuis longtemps que ces pratiques déloyales doivent être abolies. Avec notre référendum contre la RIE III fédérale, nous avons torpillé une première tentative de suppression de ces statuts fiscaux, parce que la droite avait remplacé les anciens rabais par des nouvelles astuces équivalentes, si ce n’est pire.
Grâce à notre victoire sur la RIE III, nous avons maintenant pu obtenir un projet acceptable, à défaut d’être parfait. Le volet fédéral soumis au vote limite sévèrement les astuces et comble à moitié un des gros trous de la réforme Merz de 2006 (celle pour laquelle le Tribunal fédéral avait reproché au Conseil fédéral d’avoir mal informé les votant-e-s). Dans l’impôt fédéral direct et surtout dans la loi d’harmonisation des impôts cantonaux, cette réforme constitue un progrès important sur le chemin de la justice fiscale internationale. Elle élargit l’assiette fiscale. Par contre, il n’a pas été possible de limiter la baisse d’impôts excessive dans les cantons, faute de compétence constitutionnelle fédérale. Ce projet ne sanctionne donc pas les baisses cantonales inadéquates, qui doivent être combattues au niveau local si nécessaire, comme l’ont fait récemment avec succès nos camardes bernois. En l’absence de base constitutionnelle permettant de fixer les taux cantonaux, même avec le soutien des bourgeois de bonne volonté nous ne pouvions fixer des garanties sérieuses dans ce domaine. Comme il fallait absolument supprimer les « statuts spéciaux », fers de lance du dumping, nous nous sommes orientés vers une compensation sociale dans l’AVS. En obtenant le renforcement de 2 milliards par an du financement de l’AVS, nous réussissons une percée historique pour préserver les prestations de l’AVS contre des dégradations, telles que l’augmentation de l’âge de la retraite ou la suppression de l’indexation. Grosso modo, les recettes de l’AVS croissent structurellement de 5%, ce qui permet de couvrir 40% de l’augmentation des coûts due à l’arrivés des baby-boomer à la retraite. Rappelons ici qu’en termes de répartition, l’AVS bénéficie à la quasi-totalité des couches de revenus, puisque 93% des personnes touchent plus d’argent qu’elles n’ont cotisé au cours de leur vie. Dans un contexte de crise du 2èmepiler, l’AVS aura un rôle encore plus important à l’avenir, et cela passe par sa consolidation.
Après les dérapages parlementaires de la RIE III et le regrettable refus de PV 2020 en 2017, les problèmes n’ont pas disparu, au contraire. RFFA constitue le plan B pour ces deux dossiers, et c’est un bon plan. Il améliore clairement la situation sur les deux fronts, même s’il ne résout pas tout. Comme le PS, l’Union des villes suisses et l’Association des Communes soutiennent le projet.
En cas de refus, les problèmes nous resteraient sur les bras, et l’on passerait à l’élaboration de plans C. S’agissant de l’AVS, l’intention des opposant-e-s de droite à la RFFA est claire : ils veulent augmenter l’âge de la retraite immédiatement. Et en matière fiscale, la pression sera immense, car la Suisse atterrira sur la liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne. Le plan C de la droite  semble être la suppression des statuts spéciaux et l’abaissement brutal des taux dans les cantons pour garder les multinationales, mais sans le milliard versé par la Confédération aux cantons pour amortir le choc. Rien de très alléchant…

De mon point de vue, un OUI net à la Loi sur les armes et à RFFA s’impose. Pour la sécurité publique et pour celle de l’AVS. Mais aussi parce qu’un échec de l’un ou l’autre des objets générerait une crise avec l’Union européenne finalement plus grave qu’un retard ou des retouches au projet d’accord institutionnel !

16. avr 2019