Depuis la démission de Didier Burkhalter, le Conseil fédéral a perdu la mesure. Plus personne ne défend au sein du collège gouvernemental les valeurs qui structurent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale la politique étrangère suisse. La lutte contre la pauvreté, la promotion de la démocratie et des droits de l’homme et enfin la coexistence pacifique des peuples ont chevillé notre politique étrangère.

Ignazio Cassis devrait être leur premier défenseur au sein du collège gouvernemental. Mais elles y sont complètement négligées. Or, la mise en œuvre engagée de ces valeurs par les précédents chefs du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) nous a valu un respect sans pareil sur la scène internationale. Depuis 1999, elles sont même inscrites explicitement dans la Constitution fédérale à l’article 54 alinéa 2. 

Cependant, l’ignorance d’Ignazio Cassis quant à l’histoire récente des relations internationales de la Suisse et son incapacité à lire la Constitution fédérale au-delà de l’article 2, le rend incapable de toute vision autre que celle de la défense dogmatique des intérêts économiques. Plus grave, cette totale absence de vision – qui l’a amené à en récupérer celle d’un petit groupe incluant des dirigeants de multinationales – l’empêche d’être porteur d’un discours audible au Conseil fédéral comme à l’extérieur du pays, ce qui maintiendrait la Suisse sur la voie des succès diplomatiques.  

Aujourd’hui, les valeurs constitutionnelles de politique étrangère sont écrasées par le diktat des intérêts économiques immédiats. L’exemple le plus flagrant de cette nouvelle donne est celui du choix du Conseil fédéral de lever l’interdiction absolue d’exportation de matériel de guerre vers les pays en proie à la guerre civile. 

À la demande du lobby militaro-industriel, évidemment sans aucune résistance de la part du chef du DFAE, la majorité PLR-UDC du Conseil fédéral est ainsi revenue sur un engagement de 2009 de l’exécutif pris au cours de la campagne de votation sur l’initiative pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre. Un reniement scandaleux qui a suscité une profonde émotion dans tout le pays. Comment le Conseil fédéral peut-il faire passer les intérêts de quelques industries helvétiques d’armement avant le risque évident de morts par des armes suisses dans des guerres civiles à travers le monde ? Comment faciliter plus encore les exportations d’armes alors que, aujourd’hui, l’on retrouve déjà des armes ou des véhicules blindés suisses sur les fronts syrien ou libyen ou en mains de groupes djihadistes ? La tradition humanitaire et la neutralité de la Suisse sont tout simplement piétinées ! 

La mobilisation de larges secteurs de la société civile et le désaccord de la majorité du Conseil national avec le Conseil fédéral n’auront pas suffi à convaincre définitivement le Conseil des États en décembre 2018 à confirmer cette opposition. C’est donc tout logiquement que le Parti socialiste suisse, avec d’autres forces politiques et sociales, a décidé de lancer l’initiative contre une extension des exportations d’armes dans les pays en guerre civile, dite « initiative de rectification ». La collecte des signatures est en cours et vous pouvez remplir au plus vite la feuille de signatures encartée dans ce journal. Le dépôt rapide des 100 000 signatures permettra de donner un signal important contre la dérive de la politique extérieure du quatuor UDC-PLR !

L’initiative de rectification permet de mettre un terme à une autre ignominie. En effet, depuis 2014, le Conseil fédéral admet l’exportation d’armes vers les pays violant gravement les droits humains lorsque, à ses yeux, les armes ne seront prétendument pas utilisées à des fins de répression. Une raison de plus de s’engager à collecter les signatures et faire aboutir l’initiative.  

17. jan 2019