Le 10 août à Bucarest, capitale de la Roumanie, quelque 100 000 manifestant-e-s ont répondu à un groupe, jusqu’à présent peu connu, les appelant à se défendre contre le démantèlement de l’État de droit et l’assouplissement des règles anti-corruption. Quelques personnes portant des masques ont fait preuve de violence - les manifestants parlent de provocateurs commandés - ce qui a conduit la police à répondre en utilisant des gaz lacrymogènes, des canons à eau, des balles en caoutchouc et même, selon les premières informations, des gaz irritants contre les manifestants pacifiques. Des enfants ont également été touchés. Triste bilan de cette opération brutale : environ 420 manifestant-e-s et 35 policiers ont été grièvement blessés. Pour le PS, la violence policière totalement disproportionnée est tout aussi inacceptable que le contexte politique roumain actuel.

Depuis plus d’un an, les postsocialistes du PSD au pouvoir et leur partenaire de coalition libérale ADLE fragilisent progressivement l’État de droit, affaiblissent le système judiciaire et font tout pour que le travail de l’autorité anti-corruption, soutenue par l’UE, n’aboutisse à rien. Le PSD n’est pas du tout impressionné par les manifestations de masse qui ont poussé des centaines de milliers de personnes dans les rues en avril 2017.

Celui qui tire les ficelles n’est autre que Liviu Dragnea, le chef du PSD, qui gouverne avec l’ADLE depuis début 2017. Dragnea contrôle le gouvernement, mais ne peut pas être premier ministre lui-même en raison de condamnations antérieures. Précédemment condamné à deux ans de prison pour fraude électorale, il a été condamné à trois autres années de prison pour corruption en juin 2018.

En substance, les dernières attaques du gouvernement de Dragnea contre le pouvoir judiciaire visent à empêcher la confirmation de peine et la mise en lumière de son entourage. Le rôle de la richissime Église orthodoxe, silencieuse au sujet de l’échec politique du gouvernement, est tout aussi inacceptable, mais se donne par contre corps et âme dans la lutte contre l’homosexualité et les valeurs européennes. Les postsocialistes, quant à eux, remercient l’Église orthodoxe grâce à une exonération fiscale et la renonciation aux poursuites pour corruption et abus sexuels.

L’invitation du trio PDC

La situation ne s’est pas améliorée lorsque le trio PDC, composé du président du Conseil national, Dominique de Buman, du conseiller aux États Filippo Lombardi et de l’ambassadeur parlementaire Claudio Fischer, a organisé une réception honorable pour Liviu Dragnea au Palais fédéral lors de la session d’été 2018. Il paraît donc évident qu’ils ne se sentent aucunement concernés ou interpellés par les antécédents personnels de Dragnea.

En mai 2018, dans sa réponse à l’interpellation du PS « Roumanie : indépendance de la justice compromise »1, le Conseil fédéral s’est engagé à soutenir les efforts du Conseil de l’Europe « qui visent à amener la Roumanie à respecter les standards européens dans le domaine de l'Etat de droit et de l'indépendance de la justice ». La Suisse rappelle également à la Roumanie que « les personnes en charge des délits liés à la corruption disposent de l'autonomie et de l'indépendance nécessaires à l'exercice de leurs fonctions et ne subissent aucune influence inappropriée ». Nous demandons donc au Conseil fédéral de ne pas relâcher ses efforts et d’augmenter la pression sur la Roumanie.

16. aoû 2018