Soumise au vote le 28 février prochain, l’initiative UDC dite de mise en œuvre est mensongère à plus d’un titre. Contrairement à son intitulé, elle n’est pas la mise en œuvre de l’initiative sur le renvoi des criminels étrangers adoptée en novembre 2010 mais se fonde sur des critères beaucoup plus extrêmes pour justifier des expulsions automatiques. Le catalogue des infractions ne se réfère plus seulement à des crimes mais aussi à des délits entraînant moins de 3 ans d’emprisonnement ou une simple peine pécuniaire. Le catalogue est donc beaucoup plus large et entraîne des expulsions automatiques pour des délits de moindre importance si la personne étrangère a été condamnée au cours des dix dernières années à une peine de prison ou une peine pécuniaire de quelque nature et quotité que ce soit.

Quels seront les effets concrets de ce nouveau catalogue sur les personnes étrangères ? Les personnes sans passeport suisse seraient renvoyées automatiquement même en cas d’infractions de faible gravité et sans examen des circonstances. Et ceci même si elles sont nées et ont grandi en Suisse. Les secondos seraient évidemment les plus touchés car ils pourraient être à tout moment – même pour des cas bagatelles – expulsés vers un pays totalement inconnu. Tous renvoyés au même titre que l’étranger criminel coupable d’un meurtre ou d’un viol. Voici des exemples concrets des personnes visées par l’initiative :

  • un jeune d’origine vietnamienne, né en Suisse, condamné pour conduite en état d’ivresse et qui dix ans plus tard se trouverait mêlé à une rixe, serait expulsé du pays (même s’il y a fondé une famille et qu’il ignore tout de sa contrée d’origine y compris la langue) ;
  • une jeune femme portugaise qui endommage un mur privé avec un graffiti et qui quelques années plus tôt avait insulté son voisin ou volé une pomme dans son jardin, serait forcée de quitter la Suisse pour aller dans le pays de ses parents, voire de ses grands-parents ;
  • un père de famille marocain de 50 ans à l’aide sociale qui communique avec 3 mois de retard l’augmentation de salaire de son fils qui a commencé un apprentissage serait automatiquement expulsé ;
  • des parents étrangers qui n’annoncent pas à l’autorité que leur fille naturalisée est revenue vivre à leur domicile après s’être séparée de son compagnon, seraient expulsés car le montant de l’aide au logement aurait dû être baissé ;
  • une jeune femme turque qui se fait rembourser deux fois la même facture de médecin et qui décide de ne pas annoncer l’erreur estimant qu’elle paie trop de primes, serait expulsée.

Ces exemples démontrent qu’on est très loin du cas du violeur ou du cambrioleur de haut vol dont le renvoi n’est d’ailleurs contesté par personne. La principale «plus value» de l’initiative de mise en œuvre par rapport au droit actuel est donc que des personnes étrangères, même de seconde ou de troisième génération, devraient être renvoyées lorsqu’ils ont commis des délits mineurs. En ce sens, l’obtention indue de prestations sociales par négligence (oubli de fournir un renseignement) qui est mise au même plan que la fraude sociale (obtention d’une prestation par astuce) est particulièrement perfide. De fait, l’initiative entraîne un déracinement permanent de l’ensemble des personnes étrangères de Suisse qui vivront dans une peur constante et dans l’angoisse du moindre faux pas. C’est une véritable chasse aux étrangers que l’on veut mettre en place, et en particulier une chasse aux étrangers précaires. Le peuple doit se réveiller et dire clairement NON à ce texte dangereux pour la paix sociale de notre pays.

 

Article paru dans le journal SOCIALISTES N°79

11. fév 2016