Les rares victoires obtenues pour la population durant cette législature s’apprécient donc particulièrement. C’est notamment le cas pour la prolongation du soutien fédéral à la création de places de crèches, obtenue à quelques voix près au Conseil national. Mais le Parlement a aussi accepté en décembre mon initiative parlementaire contre l’homophobie, déposée en 2013.
La lenteur du processus s’explique notamment par l’absence de statistiques sur les violences homophobes/transphobes en Suisse. Ce manque de données conduit trop souvent le monde politique à nier cette réalité, ou du moins à en minimiser l’étendue et la gravité. Divers indicateurs devraient pourtant nous alarmer. Tous montrent la violence spécifique et nettement supérieure à la moyenne dont sont victimes les personnes LGBT+. Les récentes agressions homophobes qui ont fait la Une des médias en Suisse romande ne sont que la pointe de l’iceberg. À titre d’exemple, l’antenne de signalement LGBT+ Helpline, lancée en Suisse en 2016, recense depuis lors plus de 2 agressions homophobes/transphobes par semaine.
Au-delà des cas les plus graves de violence physique, la violence verbale et le harcèlement (notamment en milieu scolaire) font des ravages, engendrent de terribles souffrances et, parfois, tuent. Selon une étude de l’Université de Zurich, 20 % des homosexuels ont tenté de se suicider en Suisse, un chiffre largement supérieur à la moyenne. La moitié de ces passages à l’acte a lieu avant l’âge de vingt ans. Derrière ces données, ce sont des drames humains et énormément de souffrances. L’homophobie tue et il est indigne de rester les bras croisés.
Or, jusqu’à présent, le Code pénal ne réprimait pas les propos homophobes en tant que tels. Cette lacune juridique, qui est d’ailleurs en contradiction avec notre propre Constitution, a été pointée du doigt à plusieurs reprises au niveau international : par le Comité des droits de l’Enfant des Nations Unies, par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance ou encore lors de l’examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Après près de six ans de débats et d’hésitations, le Parlement a enfin accepté de compléter l’article 261bis du Code pénal pour l’étendre à la haine homophobe. Au même titre que le racisme et l’antisémitisme, l’homophobie ne serait dès lors plus considérée en Suisse comme une simple opinion. Ces incitations à la haine et à la discrimination seraient reconnues comme des délits. Même s’il reste encore beaucoup à faire pour les droits LGBT+, cette modification représenterait une énorme avancée pour des milliers de personnes en Suisse, avancée mise en danger une fois de plus aujourd’hui par le référendum lancé par l’Union démocratique fédérale (UDF) en ce début d’année. Nous saurons d’ici début avril si l’extrême-droite parvient à récolter 50'000 signatures, en expliquant à la population qu’ils souhaitent maintenir le droit d’inciter à la haine et de discriminer des personnes en raison de leur orientation sexuelle.
Le combat n’est donc pas encore gagné et il nous faut d’ores et déjà nous préparer à une éventuelle campagne de votation et à un grand débat de société sur la question de l’homophobie. Ce référendum a évidemment le défaut de retarder encore ce long processus, mais il permettrait à la population d’affirmer haut et fort son soutien à une Suisse de la tolérance et du vivre-ensemble.
Si beaucoup reste à faire en termes d’éducation et de sensibilisation, cette adaptation du Code pénal est essentielle pour qu’il puisse jouer son rôle de protection des minorités et assurer le droit à la différence. Il est temps de fixer une limite et de lancer un signal extrêmement fort : les actes et les propos homophobes ne doivent plus être tolérés en Suisse. La honte doit changer de camp.